LA OUESSANT RACE DE RAGING-BEE

Du rêve au cauchemar et du cauchemar au rêve

La Ouessant Race est une nouvelle course au large de 410M organisée par le RORC. Le parcours est digne d’une étape de la Solitaire du Figaro. Le premier tiers de course est le même que pour la Rolex Fastnet Race parcourant la côte sud de l’Angleterre.

La Ouessant Race est une nouvelle course au large de 410M organisée par le RORC. Le parcours est digne d’une étape de la Solitaire du Figaro. Le premier tiers de course est le même que pour la Rolex Fastnet Race parcourant la côte sud de l’Angleterre. Le jeu consiste à opter pour les bonnes options tactiques pour jouer avec les courants de marée. Puis la flotte contourne le phare de Wolf Rock pour entamer le deuxième tiers de course : un long bord de plus de 100M pour traverser la Manche vers Ouessant. Le sens de rotation pour contourner Ouessant est au choix selon l’heure de marée où l’on arrive, mais laisser l’île à tribord rallonge la course d’environ 6 M ! Après avoir arrondi Ouessant la flotte entame le dernier tiers de la course : un long bord de 120M le long de la côte bretonne pour une arrivée à St Malo. Pour ce dernier tiers de la course, la marée nous mènera à jouer dans les cailloux pour s’abriter des forts courants et la hauteur de marée à St Malo pour la fin de course sera de 10 mètres…

Sur Raging-Bee mon équipier sur cette course est Guillaume LAMARRE. Guillaume est un ami de longue date qui connait parfaitement le bateau et sa garde robe puisque c’est lui qui l’a taillée ! Le dimanche 14 aout à 12h locale, c’est un départ « à l’anglaise » sous spi par un vent de NE entre 3 et 5Nds. Nous mettons le cap vers l’Ouest mais par ce vent faible et avec seulement 2 heures de courant favorable nous savons qu’il ne sera pas possible de sortir du Solent avant la renverse… Vers 14h30 le thermique s’établit au Sud-ouest pour environ 8Nds. Nous voilà donc contraints d’affaler pour tirer des bords contre la marée. La tactique consiste alors à naviguer dans la partie Nord du Solent pour s’abriter du courant derrière Hurst-Point. La sortie du Solent à contre la marée se fait « à la plage » de Hurst Point pour bénéficier du contre-courant et nous nous engouffrons dans le passage de North-Head à l’Ouest des Shingles où le courant est moins fort que côté Est. Le vent adonne alors nous permettant d’envoyer le Code 0. A ce moment de la course, nous sommes au contact de Night and Day et de Foggy Dew ce qui nous laisse penser que nous avons fait une bonne sortie de Solent.
La transition suivante est une rotation à gauche du vent qui va passer Est en forcissant au fil des heures. La nuit se passe par vent faible (à très faible) sous code0 car la rotation attendue n’arrivera qu’au petit matin. Nous pouvons enfin envoyer le spi. Tout au long de la journée le vent forcit pour finir plein Est à 25-30Nds. Pour nous c’est tout bon et, en VMG descente vers Wolf Rock sous grand spi de tête symétrique, nous creusons un écart important sur Foggy-Dew et N&D qui tirent des bords avec leurs spis asymétriques ! Nous naviguons comme dans un rêve avec des surfs à 18Nds : on se croirait sur la Transquadra ! Les copains sont relégués à plus de 12M après un peu plus de 24h de course : le rêve !
Il est 16h le lundi 15 aout et c’est l’heure à laquelle notre grand spi décide de rendre l’âme. Il faut vous avouer que tout à notre joie de descendre les vagues plein pot nous avions précédemment fait un départ à l’abattée qui nous avait obligé à affaler le spi pour réparer un petit accroc au niveau du renfort de tête : un pansement au Grey-Tape et s’était reparti comme en 14. Sauf que au premier claquement suivant : «CRAC» plus de grand spi… A ce moment, nous sommes au large du cap Lizard à 45M de Wolf Rock et nous n’avons pas d’autre choix que d’envoyer notre A5 : pas idéal dans ce vent plein cul et mollissant en plus… De fait nous nous trainons et pour arranger le tout, comme nous sommes contraints avec ce spi de tirer des bords, nous foirons un empannage qui voit notre spi faire des tours bien serrés comme il faut autour de l’étai… Nous mettrons pas loin d’un quart d’heure à démêler et renvoyer. Résultat nous tournons Wolf Rock à 20h au contact de N&D et Foggy Dew qui nous ont donc repris 12M en 4 heures : le cauchemar !

Après cet après-midi catastrophe nous avons le moral dans les chaussettes et l’affalage du spi à Wolf Rock achève de nous démoraliser : en effet la drisse, un moment coincée en tête, nous fait craindre de finir sur les rochers. Heureusement le spi finit par descendre mais on gamberge à fond et je suis persuadé que Foggy-Dew, qui est en équipage, et N&D, qui a un grand pro à bord, vont nous déposer sur ce bord vers Ouessant de plus de 100M au reaching (vent de 18Nds à 70°TWA). Dans nos têtes nous ne sommes plus vraiment dans la course et, perdu pour perdu, je décide d’envoyer le Jib-top pour faire un speed test : Foggy-Dew et N&D sous génois short-sheetés VS Raging-Bee sous Jib-Top. Ca fait longtemps que je me demande si mon Jib-top est plus efficace qu’un génois avec short-sheet : au moins cette course va me servir à apporter une réponse à cette question et devinez quoi ? …Eh bien à 18NDS 70°TWA le génois short-sheeté c’est mieux que le jib-top …et d’environ 10% en plus ! Par 20NDS à 80° ça pourrait être différent : faudrait ré-organiser un speed-test ! En attendant si on continue avec le Jib-Top, à Ouessant on aura 10M de retard sur nos meilleurs ennemis : le cauchemar va donc continuer ? Eh bien non ! Le bord est humide et il fait bientôt nuit mais je vais à l’avant changer de voile. J’ai à nouveau l’envie de compétition et l’envoi du génois sous le Jib-top est vite exécuté : dans la manœuvre on ne perd pas plus d’un demi mille sur Foggy-Dew mais N&D s’est un peu échappé, il est à 2M. Toute la nuit nous bataillons tentant un décalage au vent de Foggy-Dew qui ne nous laisse pas passer puis un autre sous le vent qui paie : au petit matin du mardi 16 Ouessant est en vue, le vent toujours à l’Est faiblit à 15Nds et nous sommes revenus au contact de Foggy et N&D est seulement 1M devant.
Notre atterrissage sur Ouessant se fait au bon moment de la marée c’est-à-dire que l’on va laisser l’île à babord. Dans un vent pétolant et avec un fort courant qui nous dépale vers l’Ouest nous contournons Nividic et la Jument. La côte sud de l’ile se fera dans un vent d’Est de 5Nds à contre courant : l’occasion de faire un peu de géologie toujours au contact de Foggy que nous croisons au milieu des cailloux.

Raging-Bee à la poursuite de Foggy-Dew dans les cailloux de Ouessant

Nous traversons ensuite le Four à contre-courant dans un vent toujours faible avec nos meilleurs ennemis juste devant nous. L’après-midi s’annonce paisible avec la renverse à venir qui va nous amener avec son courant favorable jusqu’à l’île de Batz dans un vent forcissant à 15Nds. Les problèmes de la veille sont oubliés, nous prenons beaucoup de plaisir à naviguer au près sous le soleil dans ce vent maintenant à 18Nds et on en profite pour se reposer. Mais, comme si nous étions maudits, le cauchemar commencé la veille continue: alors que je suis à la bannette en plein sommeil, Guillaume qui est de quart sent une odeur de brûlé. Il me réveille en catastrophe : de la fumée sort du tableau électrique ! J’ouvre le panneau du tableau et l’appel d’air provoque l’embrasement de gaines électriques. L’extincteur vient rapidement à bout des flammes. Très vite nous trouvons l’origine du feu : provenant du Jib-top trempé que j’ai rentré dans le bateau la veille, il y a de l’eau dans l’équipet tribord ce qui a provoqué le court-circuit du chargeur de la VHF portable installé à cet endroit et relié au tableau électrique sans aucune protection, ni fusible, ni disjoncteur…
Au final plus de peur que de mal car si les gaines ont noirci au feu, elles ont résisté et tout l’électronique fonctionne normalement. Soulagés, nous laissons toutes ces émotions derrière nous pour nous concentrer sur la suite de ce qui, pour nous, ressemble de plus en plus à un périple : Il est 20h et il faut maintenant aller s’abriter du courant en baie de Lannion. Nous avons un peu perdu sur la course 2M derrière Foggy-Dew et 3M derrière N&D. Vers 22h c’est devant Trégastel qu’il va falloir aller de nuit s’abriter du courant dans les cailloux… Heureusement N&D ouvre la route : Alexis connait ces cailloux par cœur et on s’engouffre dans son sillage. Avec la lune qui fait briller l’eau et les rochers dont la masse noire parait si proche, ce sont des moments magiques. On en viendrait presque à regretter la renverse qui nous permet de regagner le large, cap vers les Héaux de Bréhat que nous contournons vers 03h mercredi matin.
Les écarts sont stables : 2M avec Foggy et 3M avec N&D. Il s’agit maintenant de gérer la dernière ligne droite. Nous téléchargeons un fichier Navimail maille fine qui annonce une grosse mistoufle sur l’arrivée avec un vent pétolant au large du cap Fréhel prenant de la droite dans un premier temps puis revenant à l’Est par une grosse gauche. L’arrivée à St Malo est dans notre Sud-Est et avec la gauche annoncée Il va falloir aller chercher le côté gauche du plan d’eau. N&D part dans l’Est sitôt passée la Nord Horaine qui est marque de parcours. Nous décidons de retarder notre virement le temps de profiter au maximum de la veine de courant qui porte au Sud. Foggy-Dew a la même option que nous. Finalement à la latitude de Bréhat nous virons pour nous recaler à l’Est tandis que Foggy-Dew prolonge quelques minutes de plus vers le Sud. A 6h00 et à 30M de l’arrivée les décalages sont faits : nous faisons tous les trois route au même cap, N&D 4M à notre vent plus à l’Est, et Foggy 2M sous notre vent plus à l’Ouest. Vers 09h00, lorsque la pétole arrive avec sa droite, Foggy-Dew se retrouve bloqué du mauvais côté du cap Fréhel en mauvaise position pour toucher la gauche qui arrive une heure plus tard. Logiquement N&D, le plus à l’Est, touche le nouveau vent en premier, puis c’est notre tour alors que Foggy-Dew reste scotché. Ainsi après environ 410M et 3 jours de course, grâce à notre petit décalage dans l’Est à 30M de l’arrivée, nous finissons 40’ devant Foggy-Dew ce qui donne 26’ à notre avantage en temps compensé et, avec tous les problèmes rencontrés durant ces trois jours, le résultat est inespéré: Raging-Bee 1er en IRC3, 2ème en 2H et 6ème overall. Le rêve!
Bon en ce qui concerne N&D c’est encore raté mais cette fois on les a faits trembler en début de course. Je pense que les 12M d’avance que l’on avait sur eux après 28H de course vont les faire réfléchir : sans notre spi éclaté et sur un parcours avec moins de jeu comme le Fastnet, ça aurait été difficile pour eux de les récupérer. Alors les copains, l’année prochaine: Asy or not Asy ? that is the question…;)))

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