FASTNET 2017. Toujours intéressant les courses « vu de l’intérieur »

Pascal Loison nous raconte sa course disputée avec son fils Alexis .

Personne n’oubliera la victoire « overall » du terrible duo sur l’édition 2013. Un exploit incroyable salué à l’époque par une standing ovation de plusieurs minutes à la remise des prix.

Le Fastnet est une épreuve incontournable dans la famille Loison qui revient tous les 2 ans montrer qui sont les patrons de la course.
Cette année encore la trajectoire a été parfaite et, côté navigation, ils ont une nouvelle fois réalisé un « sans faute » qui ne doit rien au hasard.
1er overall au passage du « caillou » après une remontée 100% au près pourtant plus favorable au gros ratings, le scénario de 2013 aurait presque pû être réédité  On retiendra la victoire en double, la victoire en IRC 4 face aux équipages et la victoire en IRC 3 si le fameux JPK 1010 « Night and day » s’était inscrit dans cette classe !

Fastnet 2017 ; Pascal et Alexis LOISON

Nous étions motivés ; en 2015 un J 105 anglais, Jester, avait gagné la catégorie « two handed » au Fastnet , en nous battant de 14 secondes en temps compensé ; la pilule était amère, cette catégorie double on l’avait gagnée en 2005 avec un autre J105 et en 2013 avec « Night and Day » , JPK 1010 construit quasiment exprès pour ça et qui avait tellement bien marché en 2013 qu’on avait gagné la Rolex ; le double , on aime ça, on croit sincèrement qu’on peut , en course au large, aller aussi vite en double qu’en équipage complet et qu’au moins on n’inflige pas à des gens qui sont en général des amis le plaisir de rester des heures au rappel à prendre des paquets de mer et à ne faire que bien peu de manœuvres. La catégorie double du fastnet se développe d’année en année ; c’est manifestement dans l’air du temps et depuis qu’on participe aux courses du Rorc en double, c’est probablement un peu grâce à nous.
Du coup entre 2013 et 2015, par superstition, je n’avais rien changé sur le bateau, ni les voiles, ni le rating alors que les autres , manifestement, avaient évolué ; le J 105 Jester était par exemple gréé comme la reine d’Angleterre un jour de fête avec un code zéro qui « trainait par terre » et un rating qui avait certainement nécessité de nombreuses simulations . D’où une explication possible aux 14 secondes….
Entre 2015 et 2017 on a donc fait des modifications : d’abord un essai ( non concluant) de spi maxi asymétrique en 2016, puis une recoupe des voiles, un changement de safrans, un retour au spi symétrique et au tangon en 2017, en conservant le bout dehors plus court, qui permet ainsi de garder le code zéro « immense » qu’on avait fait faire en 2016 ; le souci de la préparation avait même été jusqu’à baisser le rating jusqu’à 1,003, limite supérieure de la classe IRC 4, ce qui permettait de partir 20 minutes avant les IRC 3 et donc d’avoir quelques chances supplémentaires de passer Portland avant la renverse. Si l’heure de départ avait été différente par rapport à l’heure de la renverse on aurait pu au contraire doper le rating jusqu’à 1,004, passer en IRC 3 et partir plus tard en comptant sur le fait que les IRC 4 ne passeraient pas Portland.
Ainsi équipés , au moment du départ, il y a plusieurs constats :
– On va faire du près ! Antoine, ingénieur-voyageur-chanteur-marchand de lunettes l’a bien dit : « quand on fait du près en croisière , c’est qu’on a fait une erreur de navigation » ; en regardant les fichiers, c’est clair, je réalise qu’on va tirer des bords du début jusqu’à l’Irlande et que je n’aurai jamais fait autant de louvoyage à la file ( 380 milles) ; je ne suis d’ailleurs pas certain qu’Alexis, bien que professionnel, l’avait déjà fait ; ça va être humide ! Mais ça tombe bien, on n’est pas en croisière, on est en course, et c’est quand même au près que c’est le plus intéressant.
– Les bateaux inscrits en double ont grossi : avant, avec un JPK 1010 on avait plutôt un gros bateau ; maintenant, il y a plusieurs JPK 1080, des Sunfast 3600, dont le redoutable Redshift avec Nick Cherry, quelques J 120 et 122, un First 50, et même un 50 pieds open dont le rating de 1,500 nous met plutôt en confiance mais qu’il va quand même être totalement impossible de contrôler ; il ne va certainement pas avoir les mêmes conditions de vent et de courant que nous. C’est finalement dans la catégorie « two-handed » , et de loin, qu’il y a le plus grand étalement des ratings et donc le plus de risque d’être victime de conditions avantageant des bateaux beaucoup plus rapides ou beaucoup plus lents.
– Dans l’autre catégorie où nous sommes inscrits, la catégorie IRC4 ( ce n’est pas l’objectif principal mais on regarde quand même), il y a beaucoup de dangereux JPK 1010, l’éternel Foggy Dew, 2eme overall en 2013, Cocody ( bretons du sud ayant reçu du renfort cherbourgeois avec Bruno James et Louis Marie Dussere) et plein de bateaux à qui on doit un peu de temps comme un Swan 44 ( !) et Winsome ( SS41 proto) à l’ami Harry qui a mis un mât carbone et qu’on a croisé dans les rues de Cowes tout content d’avoir fait un malheur à la semaine de Cowes ; il nous a dit que le bateau allait vraiment bien quand c’était « chippy »
– Il fait beau
On prend un bon départ, le bateau va bien, deux bateaux sont réellement impressionnants dans le Solent, le Swan et Winsome ; il va nettement plus vite que nous, ( c’est chippy), avec son rating de 0,990, ça ne nous fait pas rire du tout ; Les autres JPK 1010 vont vite aussi, c’est un peu normal, ils ont du monde au rappel, mais quand même . Cocody nous fait un peu mal au cap Saint Alban….. Et pour couronner le tout on ne va manifestement pas passer Portland avec la marée ; c’est d’ailleurs à Portland que va se jouer en partie cette course ; le vent est sud ouest, on tire des bords, faut il aller s’abriter du jus dans la baie de Weymouth et essayer de passer dans les cailloux ou au contraire aller au large où il y a moins de courant qu’au ras de la pointe ? Alexis hésite pas mal ; passer au ras de Portland a mauvaise réputation chez les figaristes ; c’est ce que dit de faire le routage mais parfois ces bêtes là racontent un peu n’importe quoi ; finalement une petite bascule momentanée nous fait opter pour la baie de Weymouth ; les autres ne suivent pas ; je suis presque certain que ça va passer, j’ai le souvenir de l’avoir fait vers 1982 avec un rush, en croisière ; on va trouver à l’est de la pointe un tourbillon de courant qui , au ras de la falaise de craie, nous pousse au sud vers la pointe ; ça marche ! au ras de la pointe on tombe sur 5 nœuds de courant contraire mais la direction du vent nous permettent de faire du plein ouest en débridant un peu, on est à 7 nœuds sur l’eau, 2 nœuds sur le fond, mais ça ne dure pas longtemps ; dès la pointe passée le courant faiblit et on sent « qu’il s’est passé quelque chose » que les copains sont derrière et que autour de nous il n’y a plus que quelques gros bateaux qui vont d’ailleurs très vite être en tête de leurs classes respectives ;
Après ça, il va se mettre à pleuvoir, à Star Point le courant est à nouveau contraire, au Lizard on va l’avoir dans le nez aussi ; évidemment dans la baie de Plymouth entre les 2, il y en a moins, et là il est favorable….. Les fichiers l’avaient dit : au Lizard ça va « être la foire » ; effectivement après la pluie il y a une grosse molle ; on attend un front avec une bascule au nord-ouest, le problème est qu’avant cette bascule il n’y a presque plus rien, ah si il y a 70 m de fond…. Pour mouiller ça va pas être simple ! On continue donc vers la côte à la fois pour aller plutôt vers la droite du plan d’eau, pour avoir la renverse de courant plus tôt, pour mouiller plus facilement en attendant cette renverse si le nord ouest se fait attendre ; l’AIS nous fait stresser un peu car plus au large, par moments, ils avancent bien avec l’ancien vent et on n’est pas très fiers ; et puis finalement le courant s’inverse, le bateau redémarre, le vent réalise enfin que la route pour le Fastnet ne va pas tarder à tourner vers le nord ouest et que s’il veut rester de face jusqu’au bout il faut qu’il tourne ! en attendant on se fait un petit coup de code zéro ( 3-4 milles) le long des falaises du Lizard ( on n’aura donc pas fait du près tout le temps) et on a eu le temps de voir que nos camarades en double sont plus au large et que le nouveau vent met du temps à aller jusqu’à eux; c’est une bonne nouvelle ! Le soleil est de nouveau là, ou plus exactement la pleine lune.
A lands End il y a les DST à éviter qui compliquent un peu les choix ; on choisit de monter plein nord, juste après Longships, dans la longue cheminée entre le cap et le DST « off Lands end » ; c’est logique vu les bascules annoncées, il reste que c’est un peu angoissant de laisser des bateaux faire d’autres choix, jusqu’à maintenant les fichiers ont été assez exacts mais le diable est parfois dans les détails ; ce qui est certain c’est qu’à la sortie de la cheminée, ça va faire mal. Mais à qui ?
Au petit jour on a retrouvé Foggy Dew 1 ou 2 milles derrière; le spectacle est superbe, les dauphins font des cabrioles, il y a des oscillations à exploiter en fonction des nuages, entre les nuages il y a du soleil et un air très clair, « spécial Nord ouest », la pleine lune un peu plus tard ; finalement le louvoyage en JPK c’est presque agréable ! La nuit suivante, tout d’un coup, pendant que les dauphins font des sillages phosphorescents du plus bel effet, ça sent la vache ! pas de doute, on arrive ! le phare est aperçu au lever du soleil, il faut faire attention, il y a de grosses molles qui tombent sur nous sans prévenir et on en repère quelques uns à l’AIS qui s’arrêtent tout d’un coup ; il faut rester vigilant ; un cameraman en hélico nous tourne autour, il insiste un peu, c’est bizarre. Le spi envoyé, on profite d’internet pour faire le point : surprise, on est premiers overall au Fastnet ; Foggy Dew est deuxième, tiens tiens, ça rappelle quelque chose tout ça même si en 2013 on n’était pas aussi bien à ce moment de la course ; cette première place , alors que la course s’est faite au louvoyage, dans le médium voire la brise, allure qui avantage traditionnellement les gros ratings, et qu’on a eu l’impression de passer quasiment toutes les pointes à contre courant est vraiment une surprise et nous donne un moral d’enfer.
La météo est moins enthousiasmante ; le vent faiblit, une molle arrive dans notre dos ; quelque part c’est une bonne nouvelle, pour l’IRC 4 ça devrait bien se passer ; nous sommes en tête en temps réel, les écarts devraient se creuser ; mais pour le double il y a Ajeto, le J 122 néerlandais, qui , passé 7 milles devant nous au Fastnet, risque de creuser fort l’écart et de sauver son rating ; quant à l’overall, c’est pareil, les gros sont partis avec le vent, un vent plus nord qui leur a permis de faire route directe et rapide, alors que nous repartons dans un vent nord-ouest qui va nous obliger à tirer des bords ; a posteriori on peut aussi remarquer que c’est la bascule au nord qui nous a permis d’optimiser notre louvoyage vers le Fastnet et explique pourquoi nous avons battu les gros ratings dans la montée au phare et pourquoi ils vont nous atomiser au retour ;
Donc l’overall on oublie et on se concentre sur le double pour limiter la casse avec Ajeto ; de 7 milles au Fastnet, son avance aux Scilly va passer à 35 milles ; aïe, si ça continue ainsi il va passer le Lizard avec le jus favorable et nous ? eh ben pas nous, les routages nous annoncent au Lizard avec la renverse défavorable effectuée . Hum…. Ça sent le roussi ! Heureusement on a l’A5 ; cette voile qu’on envoyait sur le delphinière en 2013 nous avait permis de doubler Foggy Dew en mer d’Irlande et de gagner ; elle va à nouveau nous sauver la mise ; maintenant on l’envoie sur le bout dehors, elle fait moins lofer le bateau, on arrive à tenir celui-ci plus loin, plus vite, on va à plusieurs reprises entre les Scilly et l’arrivée la mettre , revenir sous génois, etc…. Quand on la met, on va plus vite que les Sun Fast 3600 qu’on côtoie, quand nous sommes contraints de repasser sous génois, fort logiquement ils vont nettement plus vite que nous ; ils essayent par moments des codes zéros, des spis asymétriques plus creux, c’est intéressant à voir mais ça ne marche pas aussi bien que notre A5 . Les dauphins aiment bien l’A5 aussi. Bref on arrive au Lizard juste à la renverse, un dernier petit café pour ne pas s’endormir et c’est gagné ! Nous avons droit à l’arrivée aux deux coups de canon libérateurs, l’un pour l’IRC 4, l’autre pour le « two-handed » et on vérifie qu’aucun plus petit bateau ne nous a détrônés de la première place overall au phare. On aurait gagné l’IRC 3 aussi si on avait choisi cette catégorie.
On a donc bien mérité notre Ti Punch ; seule entorse à la chasse au poids j’avais emporté un citron vert et le pilon « carbone » qui permet de l’écraser avec les morceaux de sucre roux ; ça vaut bien la potion magique, malheureusement cela ne donne aucune force surhumaine pour garer le bateau dans la marina…. ….……

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