Par Alexis LOISON
2 ans après la jolie Rolex Sydney Hobart de COURRIER LEON mené par Gery Trentesaux et Michel Quintin, Michel décide de remettre le couvert avec cette fois son équipage Calédonien.
J’ai la chance de faire à nouveau partie de l’aventure, toujours au poste de navigateur.
Nous voici donc à 1 semaine du départ tous réunis dans la marina du club organisateur , le CYCA. L’ambiance qui règne sur les pontons est particulièrement agréable. Les bateaux sont magnifiques, les organisateurs sont aux petits soins avec nous, c’est l’été, (et apparemment quand c’est l’hiver là-bas ça reste quand même bien mieux que l’été à Cherbourg … ) , bref tout va bien. Le bateau est très bien préparé, l’équipage particulièrement rodé mais il reste tout de même 2 jours de boulot pour toute l’équipe afin de changer quelques drisses, préparer la nouvelle garde robe, faire du rangement par le vide, installer l’ordi du bord, l’iridium, les logiciels météo, les caméras et surtout afin d’être en conformité avec les règles de sécurité en mer australiennes et des demandes spécifiques de l’organisateur. Malgré l’impression d’être en mode « ceinture et bretelles » , le contrôleur nous fait quelques remarques et nous sort des phrases du genre « oui mais … si vous vous retournez … ça le fait pas du tout votre bricolage !! » . Bref, le ton est donné mais quand on connait l’historique de cette course, sa rigueur est entièrement justifiée. Au final, après avoir tout collé, vissé, scotché, nous sommes bons pour le service, et nous voilà dans cette magnifique baie de Sydney à tirer des bords devant l’Opéra pour réviser toutes les manœuvres, valider les voiles , la calibration de l’électronique, etc. Cela change complètement d’il y a 2 ans où la préparation avait été bien plus laborieuse. La caisse à outils avait alors servi H-24 ,et le shipchandler local se demande encore ce que l’on avait bien pu faire de tout le sikaflex acheté chez lui !! Le réveillon de Noël marque la fin de nos entrainements, nous sommes prêts, motivés, l’avitaillement est à bord. Il ne reste plus qu’à préparer nos sacs de nav. Exercice particulièrement délicat, c’est un peu comme si on partait à la plage un jour de canicule mais avec nos affaires de ski pour anticiper la fin de course… Et encore, cette année la météo s’annonce particulièrement clémente, les organisateurs disent même que nous ne pouvions rêver mieux comme cadeau de Noël. Pour les « grosses luges », comme Comanche, Wild Oats, TP52 et bien d’autres encore (liste bien trop longue à énumérer) c’est effectivement vrai, avec 100% de reaching et de Portant dans du vent assez fort. Le record en temps réel qui était de seulement 1j 13 heures est plus que menacé !
Pour les « petits », disons les IRC3 et IRC4, c’est effectivement une météo clémente, mais qui nous prive déjà de tout rêve de remporter l’Overall. En effet, un front associé à une bulle dépressionnaire et de nombreuses zones de transition seront sur notre route en fin de parcours. Cela donne en gros 2 jours de glisse avec du reaching dans 15 nœuds puis du VMG dans 15-30 nœuds « hors taxes ». Place ensuite à du près sur un seul bord dans 20 nœuds mollissant pour faire place à du petit temps très variable dans la baie de Hobart. Nous avons des routages en 3 jours et quelques heures, ce qui reste plutôt rapide pour avaler les 628 milles nautiques. Nous nous concentrons donc sur le double objectif qui est de remporter la catégorie IRC4 et si possible de battre le record des bateaux de moins de 11 mètres qui est détenu depuis 1975 ! Il y a une fois de plus de sacrés épouvantails dans notre catégorie, comme Dorade , un Yawl dessiné par les frères Stephens en 1931 mais qui parait comme neuf , ou Azzuro un autre plan S&S, bijou de 34 pieds seulement mais qui avait manqué de peu de nous battre il y a 2 ans (moins de 6 minutes à l’arrivée) , mais aussi le Sunfast 3600 Mister Lucky qui aime les conditions similaires au JPK 1080. Tout le monde parait dangereux, avec des caractéristiques et des ratings très différents. Nous comptons sur la polyvalence de notre JPK 1080 !
JOUR J : Après un dernier briefing météo au CYCA qui confirme les prévisions annoncées, nous voici sur la zone de départ. 3 lignes de départ sont prévues, espacées de 0.2 mille nautique chacune. Les « gros » partent devant nous pour éviter un embouteillage à la sortie de la baie type « Fastnet Race » et pour une parfaite équité, ils ont un parcours en baie de 0.2 mille nautique plus long que les concurrents de la ligne centrale, faite pour les « moyens » qui eux aussi ont un parcours plus long de 0.2 mn que la ligne la plus en retrait . C’est Boxing-Day , ou plutôt « Bazar-Day ». il y a des bateaux spectateurs partout, 10 hélicoptères, plus de 100 concurrents, cela forme un clapot très court, un fond sonore assommant et le vent y est fortement perturbé. C’est très compliqué de se faufiler au milieu de tout cela mais nous sortons de la baie en tête des IRC4, entourés d’ IRC2 et 3. Nous voici sous code 0 fractionné direction La Tasmanie. Première nuit très agréable, le « FR0 » est rapidement remplacé par le A4, on est rapides, la lune permet de ranger les lampes, on fait attention à bien se reposer et à s’alimenter avant le vent fort prévu.
J+1, le vent adonne encore en matinée, varie beaucoup, on enchaine les peelings A4 S2 A4 et je choisis d’empanner en nous éloignant de la route directe afin d’exploiter au maximum l’accélération de vent provoquée par la pointe Sud-Est de l’Australie. Les autres IRC4 ne suivent pas ou très peu, on verra bien. Assez vite, le vent augmente , 25-30 nœuds. Cela devient chaud. C’est encore annoncé à forcir, on fait une super « aile de mouette » le long de la pointe et nous choisissons d’affaler le A4 tangonné pour faire place au A5 plus petit juste après l’empannage, car on se dit que le « peeling gybe » va très mal se terminer. Nouvelle manœuvre éclair de l’équipage, on voit que les entrainements payent, et nous voici lancés pleine balle dans le Détroit de Bass, 30-35 – et même 38 nœuds de vent sous A5 tangonné et une mer qui se forme progressivement mais sûrement. Ca fume !!!! les records de vitesse tombent au fur et à mesure que les tandems « barreurs régleurs » se remplacent . Boat Speed, 17, 18 , 17 , 19, etc. Michel nous sort même un 20,2 nœuds !! Sacrés planchistes!!! Tout l’équipage est à l’arrière pour éviter l’enfournement, en tenue de combat, gilets, harnais et balises sur soi. La nuit s’annonce très tonique mais il faut absolument tenir, on a clairement une carte à jouer pour faire le break. Concentration Maximale dans cette nuit noire, on s’arrache malgré un bras de spi qui lâche, puis une amure, une machoire de tangon et même un mousqueton tylaska de drisse qui s’ouvre en pleine charge… On sauve miraculeusement le A5 à chaque fois qui ressort de son sac dés que possible .
J+2 , l’équipage est rincé à tous les sens du terme de cette nuit incroyable mais je leur redonne le sourire avec l’annonce des classements en distance au but. En IRC 4, personne n’a suivi notre trajectoire ni notre rythme et nous avons maintenant 40 milles d’avance sur le second et 100 milles sur Azzuro. Nous sommes d’ailleurs loin devant tous les IRC3 en temps réel !!! La route est cependant encore longue car aujourd’hui le front doit nous passer dessus dans l’après midi. Bientôt terminé le Tasman Express. Téléchargement des derniers gribs, cartes Iso, routages par centaines, on scrute l’horizon en attendant une grosse masse nuageuse. Rien à part quelques petits nuages. Les gribs annoncent un renforcement de Nord avant son passage. Le vent ne fait que mollir, bizarre. Au final, le front quasi invisible nous passe dessus et nous voici au près presque subitement. On galère un peu avec des génois qui déralinguent, on bricole et ça y est 70 milles de près au programme en 3ème nuit. Dans une ambiance glaciale « mais il fait – 8000°C là !?!? », surtout pour les Calédoniens, ça ressemble effectivement à une traversée de la Manche par 30 nœuds de Nord-Est au mois de mars. Nuit très dure au rappel, mais aussi pour les barreurs qui sont tous un peu cramés. Du coup, Les régleurs de GV avaient pour mission d’alerter les écarts de route de leur barreur qui s’endormait quelques secondes. Il faut tenir.
J+3 , la Tasmanie est en vue et le vent s’écroule. On se bagarre dans 5 petits nœuds de vent pour gagner la côte et si possible accrocher les brises thermiques. Génois light, FR0, S2 , ça manœuvre encore et toujours. Tout dans le ciel est réuni pour que cela parte en brise thermique , on patiente. Finalement, on assiste à un combat entre les 2 vents et on passe notre temps à courir après « le nouveau vent ». On stresse beaucoup car les vitesses de nos concurrents sont bien plus élevées que la notre et ils reviennent forts, notamment Dorade qui est annoncé en tête en temps compensé. Mais le Synoptique prend finalement le dessus et 15 bons noeuds libérateurs descendent des collines et nous propulsent vers la ligne d’arrivée. Les écarts sont maintenant trop importants pour craindre de perdre la course. Comme il y a 2 ans , ambiance de folie sur les quais à Hobart. Retrouvailles avec les familles, Champagne pour l’équipage, on est fiers de nous !! Et comme il y a 2 ans , de nombreux regards se tournent à nouveau sur ce bateau fabriqué à l’autre bout du monde, aux multiples astuces « tipycally french spirit » et surtout bien trop petit par rapport aux autres bateaux déjà arrivés …
Au nom de toute l’équipe , un grand merci à Michel pour avoir concocté cette équipage aussi complémentaire que complice mais aussi de nous avoir permis d’être au départ de cette grande épreuve de renommée internationale dans de si belles conditions . Merci également à nos nombreux supporters (familles et amis ) venus sur les pontons au départ et à l’arrivée . Merci au JPK 1080 Dream Pearls pour le prêt du Jib Top . Et enfin un grand merci à tous les partenaires du projet « LEON » qui a encore devant lui de longues et belles histoires à raconter !! Vivement la prochaine !!
Alex
L’EQUIPAGE :
– Michel QUINTIN « Miiiiitcheeeelll Qwwouuuiiiiinnntiiiiiiinnnn !!!! » , barreur , LE BOSS
– Yann RIGAL , « le Tahitien », N°1 et média-man
– Jean-Charles FOSSEY, « Jean-Claude » n°2 et responsable vidéo
– Mathieu VIVIEN , « le mec qui boit de l’eau de mer » , piano, régleur
– Jéremy PICOT , « Le jeune (autres surnoms censurés ) » , régleur , responsable du rangement
– Cédric BOUCHET , « l’ami de JBW » , régleur – barreur , responsable BLU
– Jean-Marie DAURIS , «JM » , performeur , GV , barreur , vérificateur, régleur
– Alexis LOISON , « le métropolitain » , navigateur et barreur