Sidney / Hobart 2024 : Victoire en JPK 1180!

Rolex Sydney-Hobart 2024 sur COCODY Le JPK 1180 de Richard FROMENTIN:

Une belle aventure, de belles photos et une magnifique victoire ! 

Voici le récit de cette course en JPK 1180 par Alexis Loison: 


Participer à la Rolex Sydney-Hobart est une chose, mais se rendre à Sydney depuis la France en convoyant le bateau par la mer (tout en participant et/ou en gagnant quelques épreuves de renom sur la route comme la Rolex Middle Sea Race , la Transatlantique du RORC ou la Rorc Caribbean 600 ) pour ensuite remporter l’épreuve australienne dans sa catégorie en est une autre …
C’est pourtant le sacré défi que s’est donné Richard Fromentin, défi remporté avec panache !

C’est donc après cet incroyable périple démarré fin 2023 depuis la méditerranée que Cocody a rejoint Sydney fin novembre 2024 afin de se refaire une petite beauté sur place (après plusieurs escales comme Lanzarote , Antigua , Canal de Panama , Tahiti , Iles Tonga , Nouvelle Calédonie , Brisbane ) , soit un convoyage de 17 000 milles nautiques .

L’équipage, composé de Thomas Dinas , Quentin Vlamynck , Pierrick Letouzé , Théau Guilcher , Damien Fleury , Steve Taylor , Richard Fromentin et moi-même sommes arrivés environ 1 semaine avant le départ de cette épreuve mythique. Hormis Steve et moi , le reste de l’équipage est bizuth de cette course et découvre l’ambiance extraordinaire qui règne à Sydney lors de cette semaine de préparation. Le décor est superbe, la magnifique baie de Sydney est remplie de bateaux , du petit moth à foil au super-maxi de 100 pieds Comanche , en passant par de nombreux croiseurs et concurrents ou encore par les fameux 18 pieds australiens , véritables luges sur-vitaminées qu slaloment autour de nous.

Cette semaine de préparation et d’entraînement est assez intense pour tout le monde , avec la découverte du bateau pour certains , préparation de la carène , du matériel de sécurité , du gréement , des voiles , informatique , communication etc … D’ailleurs petit clin d’oeil à Benoit de Rom-Arrangé qui une fois de + nous a sauvé de quelques petits bugs de dernière minute malgré le décalage horaire…
Bref tout est passé en revue , et nous profitons aussi de quelques sorties d’entraînement pour valider que tout est bon pour le service . Les jours passent vite, et les médias australiens sont très curieux et fascinés par ce bateau français qui a fait ce si long voyage. L’ambiance est studieuse en journée et nous profitons le soir de la terrasse du CYCA , club organisateur, pour débriefer du jour et savourer une bière fraîche bien méritée.

Veille du départ, les dernières choses à faire de notre interminable et longue job-list sont enfin cochées , nous pouvons nous reposer et surtout regarder en détails la météo attendue. Un départ sous le soleil dans une quinzaine de nœuds de Nord-Est , un bord de portant VMG devenant de plus en plus tonique dés la fin de journée , et qui devient vraiment fort la nuit (45 nœuds fichiers rafales 58 …???) avant de rencontrer un front froid assez actif qui apportera du Sud Ouest 25 30 nds et tournant ouest dans le mal-réputé Détroit de Bass pour devenir mollissant à foireux lorsque nous arriverons en Tasmanie. Le long des côtes tasmaniennes, une bulle sans vent et surtout mal modélisée est prévue. En bref , du vent très fort au début, et une fin de course très aléatoire, donc comme toute vraie course au large ,méfiance du début jusqu’à la fin. Sans oublier l’état de la mer mais aussi le courant , ici océanique et qui peut facilement dépasser les 2 nœuds . Il va donc falloir jongler avec tout cela. Le côté positif du menu proposé, c’est que ce sont des conditions propices à la carène magique et polyvalente du JPK 1180. La stratégie est claire, il faudra « bourriner tout en finesse ». Au vu des conditions annoncées nous faisons le choix d’emporter une grand-voile de rechange « au cas où… ».

Au niveau de la concurrence, la classe des IRC 3 est composée de différents bateaux, avec plusieurs épouvantails comme des Sydney 38 , un young 11 entièrement refait et très bien mené, un J133 qui peut s’avérer redoutable à certaines allures, un Mumm36 , mais surtout notre sister-ship , Bacchanal , un JPK 1180 batant pavillon americain ,tout neuf, construit en Australie par JPK Pacific et mené par un équipage de pros. Il a 23 millièmes de + que nous , bateau plus léger avec avec une surface de voiles plus importante , tangon sous le vent pour écarter les génois etc. A surveiller de très prés !


Nous voici le 26 décembre , le fameux Boxing Day , jour du départ .

Et comme chaque année depuis 79 ans, La baie de Sydney se remplit de bateaux inscrits à cette course ( 106 bateaux au départ cette année) mais surtout nous sommes accompagnés par une multitude de bateaux spectateurs , regroupés dans des zones réservées , de part et d’autre de la baie. Le départ est donné à 13h00, sachant que toute la flotte des concurrents est répartie sur 4 lignes de départ distinctes en fonction des catégories , pour ensuite enrouler des bouées de dégagement en sortie de baie avant de mettre le cap vers le large . Ces bouées qui sont à contourner sont différentes selon les catégories afin que chaque bateau en fonction de sa ligne de départ fasse strictement la même distance de parcours tout en évitant les embouteillages aux bouées.

Nous sommes le plus petit rating de notre classe et nous sommes sur la 2ème ligne de départ en compagnie de tous les IRC2. Ça ne va pas être simple de tenir la vitesse face à des bateaux sensés être plus rapides. Le vent est dans l’axe de la baie mais la ligne semble avantagée coté viseur , mais comme la zone interdite réservée uniquement aux bateaux spectateurs est très proche, il ne faudra ne pas se retrouver bloqué . Le plan annoncé est donc de partir tiers viseur et surtout de pouvoir virer dés que possible.
Théau , excellent régatier et match-racer est à la barre pour le départ et nous place idéalement, à 2 mètres de la ligne au coup de canon , ce qui fait que nous pouvons virer et croiser devant toute notre flotte. Ça commence très bien !!

Au 1er croisement , vous l’aurez deviné , l’autre JPK 1180 est là… Début d’une sacrée bataille entre nous, mais nous sommes plus rapides et après quelques placements bien négociés nous enroulons la bouée de dégagement en tête de notre catégorie, 2 longueurs devant les américains et quasiment devant tous les IRC2…

A la sortie de la baie nous envoyons le A2 et c’est parti pour une après-midi de rêve , à surfer les vagues le long de la côte australienne qui s’éloigne peu à peu ,tout en surveillant la concurrence.
Très vite nous voyons que l’autre JPK 1180 va être redoutable. Nous testons différentes configurations , la meilleure config étant la « triple head » (A2 + J4 + staysail ) afin de tirer le maximum de puissance. Les écarts se creusent vite sur le reste de la flotte des IRC3, nous sommes avec les IRC 1 et IRC 2 …
La nuit tombe, le vent dépasse les 30 nœuds nous décidons alors de passer sous A5. La manœuvre se déroule super bien et les records de vitesse du bateau sont battus au fur et à mesure que la mer se forme et que le vent monte encore. Il n’est plus rare de dépasser les 20 nœuds dans les surfs , nous arrivons à caler un premier empannage afin de se placer au mieux pour le front annoncé et que je surveille grâce aux gribs et images satellites. Ce compromis n’est pas si simple à trouver car si on se retrouve trop tôt dans l’ouest nous allons alors traverser ce front trop tôt et ainsi être au près, mais il ne faut pas se retrouver trop dans l’Est à trop vouloir profiter du portant car au moment de la rotation brutale du vent nous aurons alors un angle trop fermé jusqu’en Tasmanie.

Je passe beaucoup de temps à la table à cartes pour ne pas rater ce passage clé , les routages s’accumulent, et je décide de refaire un décalage car le front a légèrement ralentit et cela permet donc de continuer à naviguer plus longtemps au portant , dans le flux de Nord Est maintenant très fort.
Bacchanal ne suit pas , et on reprends la tête de quelques milles. Malheureusement dans notre dernier empannage qui pourtant se passe bien nous déchirons gravement la Grand -Voile , c’est non réparable . Ouf on a la seconde à bord mais pour le moment le vent continue de forcir , dépassant les 35 nœuds . Ça monte encore on décide d’affaler le spi car le bateau devient vraiment incontrôlable dans la mer désormais bien formée. Le jour se lève et nous voyons le front qui est en approche , marqué par des éclairs , et surtout par une grosse masse nuageuse qui ressemble à une vague qui déferle, situation classique dans le coin mais toujours aussi impressionnante. Alors que le vent est monté jusqu’à 43 nœuds, ce dernier tombe presque subitement et durant cette phase transitoire nous arrivons à changer de GV en un temps record . Peu de temps après nous sommes désormais au près en babord amures vers le cap Sud-Est de l’Australie, dans un flux de Sud modéré et dans l’attente de la rotation du vent à droite. Je charge de nouveaux fichiers qui confirment ceux de la veille . Tant que le bord tribord amures n’est pas rapprochant , aucune raison de virer. J’en profite pour charger un nouveau ficher de positions, on est super bien placés et nous découvrons malheureusement que beaucoup de bateaux abandonnent dont le JPK 1180 qui doit se retirer de la course , bôme cassée. L’organisation nous envoie alors un mail qui tombe comme un coup de massue . 2 équipiers engagés dans l’épreuve, sur 2 bateaux différents , sont malheureusement décédés cette nuit , et un 3ème est tombé à l’eau , heureusement retrouvé sain et sauf après avoir été récupéré par son équipage. La nouvelle est vraiment dure à encaisser.


La course pour autant doit continuer et on se rapproche de la côte, où le vent monte crescendo . 25 nœuds , ça monte encore et nous décidons de prendre un ris dans la grand voile, qui se déchire à son tour sur la chute !!!
Nous sommes à quelques milles de la côte et nous décidons alors de virer pour ne pas nous retrouver trop proches et non-manœuvrants. La GV est affalée tant bien que mal et remplacée rapidement par la voile de cape , une première pour tout l’équipage je pense … mais le bateau se comporte étonnamment très bien , nous sommes à plus de 7 nœuds et le nouveau pointage nous rassure , l’écart continue de se creuser sur le reste de notre catégorie. On rentre la GV à l’intérieur , opération sauvetage . Après plusieurs tests , nous avons enfin un mode opératoire.
On va coller le cagnard au sikaflex qu’on avait à bord (désolé pour tes beaux cirés Richard…) et on sécurise le tout avec une couture à la main puis on laisse sécher . Le vent va baisser, et il vaut mieux faire preuve de patience, la météo étant clairement en notre faveur.
Le vent passe parfois sous les 20 nœuds c’est le moment de renvoyer la GV. Ça fait du bien d’être à nouveau à 100 % des polaires … Le vent a maintenant bien tourné à l’Ouest , on peut alors envoyer le Jib-Top , la bateau est une fusée dans ces conditions.

La Tasmanie est dans notre ouest , le vent mollit de + en + . A la fois rassurant pour préserver notre GV mais un peu stressant quand on est navigateur … Finalement la transition se passe comme par magie , et grâce à notre super code zéro Incidence Sails (petit placement de produit …) nous traversons cette bulle sans jamais nous arrêter, ce qui n’est pas le cas des bateaux autour de nous. Enfin sortis de cette bulle, nous retrouvons un flux d’Ouest-Nord-Ouest 20-25 nœuds qui nous fait aller à toute vitesse vers Tasman Island à l’entrée de « Storm Bay » sous A2 et sur la tranche. L’hélicoptère du photographe officiel de la course reste longtemps à côté de nous, c’est souvent bon signe. Après avoir enroulé Tasman Island et le Cap Raoul , Il ne reste plus que 30 milles avant l’arrivée , dans un vent qui deviendra très changeant , il faut faire preuve de patience dans cette baie entourée de montagnes qui font tourner le vent dans tous les sens. Mais le soleil est de la partie et le spectacle est superbe ou le bateau glisse le long de cette côte si caractéristique ou les rochers sur la falaise ressemblent à des orgues, et on profite de ces instants privilégiés car nous savons surtout que la concurrence est pour le moment reléguée à une dizaine d’heures de nous. On surveille quand même pour le classement overall Mistral, le MC34 mené par Rupert Henry et Corentin Douguet qui n’est pas dans la même catégorie que nous mais qui font une course juste incroyable sur un 34 pieds mené en double.

Le franchissement de la ligne d’arrivée est un soulagement, il y a beaucoup d’émotion et de fierté dans l’équipage, mais il y a surtout le sourire d’un Richard comblé. Cocody a gagné la Sydney-Hobart en IRC 3 , ce qui représente la 3ème victoire pour un bateau français après Géry Trentesaux en 2015 et Banque de Nouvelle-Calédonie de Michel Quintin en 2017.

Avant de rejoindre le port, la tradition est de passer devant le « Taste Festival » qui sont des grandes halles où plusieurs centaines de personnes applaudissent les concurrents le long des quais de Hobart. C’est ma 5ème participation mais ça donne toujours autant de frissons !

Bateau à peine amarré, nous sommes accueillis chaleureusement par la famille de Richard, mais aussi par quelques français curieux et par les organisateurs et médias australiens qui viennent tous nous féliciter. Sacrée ambiance sur le ponton !

Après quelques jours de repos et une remise des prix où nous gagnerons haut la main à l’applaudimètre , il est temps pour l’équipage de rentrer en France avec des souvenirs plein la tête.

Bravo à Jacques Valer et au chantier JPK Composites pour cette 4ème victoire (JPK 1080 en 2015 et 2017 – JPK 1180 en 2022 et 2024) et pour dessiner et construire ces bateaux magiques !!

Un grand bravo à tout l’équipage pour la bonne ambiance à bord et pour l’engagement donné tout du long et surtout un immense merci à Richard de nous avoir permis de vivre cette si belle et folle aventure ! Il faudra revenir !!

 

 

 

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