Rolex Sydney-Hobart 2015

Par Jean-Pierre Kelbert

Une aventure inoubliable et un fabuleux résultat !

Au final « Courrier Léon » termine 1er de sa classe et 2eme de l’overall !

L’histoire commence en fin de saison du RORC et après le Fastnet victorieux lorsque Géry lance alors l’idée de participer à la mythique Sydney/Hobart. Aussitôt, l’idée séduit tout le monde et il sera plus difficile de dire non à certains equipiers que de former un équipage ultra motivé. Côté équipage, l’équipe se compose de Géry Trentesaux, François Lamiot, Jean-Pierre Kelbert, Alexis Loison, Pierre Ghewy, Frank Legall et Michel Quintin le propriétaire du bateau .
Le bateau est mon ancien « Léon » le 1er JPK 1080 avec lequel j’avais fait la Transquadra avec mon ami Hervé Perroud. A l’arrivée aux Antilles, Michel est venu chercher le bateau et l’a convoyé jusqu’à Nouméa avec son père JC.
Le lien est alors vite fait entre la présence d’un 1080 en Nouvelle Calédonie à seulement 1000 miles de Syney et la motivation de Michel (un pote de l’équipe de France de nos années planche à voile) pour mettre à dispo le bateau et venir avec nous faire la course.
Bref, nous voici tous à Sydney quelques jours avant le départ pour préparer le bateau qui en a bien besoin car il a beaucoup navigué depuis ma transat mais n’a pas régaté depuis. Changement de configuration en spi asymétrique, changement de l’étai et du pataras et surtout l’installation d’une BLU émétrice qui demande une installation aussi compliquée qu’absurde lorsque qu’un Iridium fait le même boulot et en mieux. Frank a beaucoup souffert sur le dossier mais au final, miracle, tout a marché grace a la solidarité du réseau français et la rencontre avec Max un type génial qui, à la veille du départ, bricole notre BLU jusqu’à 1 h du matin !
Dernier ponçage à l’eau de la carène et nous voilà prêt pour le départ le lendemain de Noël.
Seule frustration, le peu de temps dispo pour profiter de Sydney même si l’ambiance super décontractée se ressent à la minute où on débarque de l’avion.
Samedi 26 Décembre 13 h départ « à l’anglaise » des 110 bateaux répartis sur 3 lignes qui se superposent à distance chacune de 0.2 mille ; autant dire qu’avec les 20 nds établis et les milliers de bateaux spectateurs cantonnés en bordure de la baie, ça devient vite très chaud de slalomer dans ce bouillement ! Le repérage de la nav’ de la veille nous aide à gérer la remontée de la magnifique baie de Sydney. 45 minutes plus tard et après quelques croisements « chauds » avec la flotte des global challenger 70, nous sommes lancés sous spi plein pot par 25 nds d’un flux portant de NNE. Les sublimes maxi Comanche, Rambler, Wild oats et autre Ragamuffin sont déjà loin !!
Il n’y a vraiment qu’ici qu’on voit un telle concentration de maxi monocoques qui viennent là pour jouer le classement en temps réel. Après quelques heures de portant « facile » nous savons tous qu’un front orageux hyper actif nous attend avec des prévisions toutes concordantes pour donner du 35/40 nds. On ne sera pas déçu ! Peu après la tombée de la nuit, nous avons empanné en tribord pour aller à la rencontre du front qu’il faut négocier au meileur endroit. Un nuage sombre très compact et plat avec un halo suspect confirme que nous y sommes presque. A la Nav, Alex annonce sur l’AIS des trajectoires «inquiétantes» des bateaux quelques milles devant qui se retrouvent à priori malmenés car «à l’envers» de la route. Géry, riche de toutes ses expériences au large demande qu’on enclenche de suite la manoueuvre. On affale le spi , on prépare l’ORC et on enclenche la prise de ris. A peine le spi affalé, une 1ere claque à 40 nds couche le bateau ! C’est parti pour une nuit assez dantesque avec un vent sec et violent qui fait très vite grossir la mer. Bien réglé, le bateau passe bien et Géry semble se régaler à la barre ! Nous naviguons au près très ouvert pour aider le passage dans la mer et c’est de fait tout à fait tenable. C’est sûr pour l’équipage au rappel ce n’est pas la fête d’être en permanence sous les vagues en se faisant dépaler par quelques déferlantes mais nous savons que c’est là qu’une 1ere sélection va se faire . C’est un peu ingrat mais demain les conditions devraient se calmer… De fait au petit matin, le vent mollit mais moins que prévu et surtout il va reprendre très vite en intensité pour de nouveau monter à 35 régulier et claques à 40. Au rappel depuis plus de 24 h ça commence à être vraiment dur surtout que les cirés commencent a devenir moins étanches ! Punch notre super n°1 est aussi le 1er à prendre les paquets. Il ne rentrera dans le bateau que 48 h après le départ . Au niveau de la course c’est bien engagé car nous sommes 1er overall provisoire après les premières 36 h et les seuls bateaux que nous voyons sont tous 3 ou 4 m plus long en moyenne . Le vainqueur de l’an passé, un Farr 43 agé de 15 ans, Wild roses est quand même trop proche pour pouvoir s’accorder un quelconque relachement. Lorsque nous quittons la cote australienne, l’anticyclone vient comme prévu nous barrer la route. Pas bon pour le classement overall car nous savons que les gros devant sont passés sans ralentir. Teasing machine, le 2eme bateau français, devient alors le plus menaçant sur l’overall de ce 3eme jour de course et pour être franc nous sommes inquiets car le scénario ne nous paraît alors pas du tout favorable. Devant les «gros» tracent plein pot et derrière nous les bateaux en retrait ne buttent pas encore dans la zone de haute pression. Au général du temps réel nous sommes quand même dans les 30 premiers (et même 23 eme après la 1ere nuit!) ce qui est assez dingue vu la taille du bateau (nous avons le 3eme plus petit rating de la flotte des 110 engagés) et lorsque que des feux nous rattrapent c’est toujours une grosse bécane. En tous cas, ces petits airs font un bien fou à l’équipage qui n’a quasi pas dormi pendant 48 h et pas beaucoup mangé non plus ! Pour Frank notre radio man du bord c’est enfin plus facile de gérer les communications. Il faut imaginer que 3 fois par jour l’organisation réclame que chaque bateau les contacte pour confirmer sa position et dire que tout va bien à bord. Frank descend alors dans le local WC et régle en serrant les fesses sa BLU pour espérer capter le PC course et envoyer le message depuis le bord . A l’arrivée Frank sera la coqueluche des australiennes qui ont toutes craqué sur son accent so frenchy ! Il ne fallait pourtant pas le voir s’éjecter de l’intérieur du bateau et nous faire une « fusée » ! La course avance, les barreurs, François, JP, Alex, Géry se relaient quand les régleurs en font autant et que devant nos champions de la plage avant enchainent les changement de voile sur changement de voile de façon impressionnante. A la Nav comme à tous les autres postes, Alex apporte une énorme valeur ajoutée et seconde à merveille Géry. Après 3 jours de mer, la Tasmanie enfin se profile mais rien n’est encore joué car le vent est perturbé dans la pointe Sud de l’île qui divise le flux d’air. Après une belle approche assez écartée de la terre avec une trajectoire en aile de mouette nous sommes proche de Tasman Island qui marque l’entrée dans la baie de Hobart longue de plus de 40 milles. Il faut impérativement y arriver à la bonne heure pour profiter du vent thermique qui sera le seul à nous garantir la moyenne qu’il faut pour assurer une bonne place. Enfin la pointe sublimement belle de la Tasmanie avec ses orgues vertigineux et sa mer d’un bleu profond se présentent à nous. Il est 13 h, l’heure idéale pour le thermique. Au même endroit Teasing machine qui avait course gagnée est venu tamponner en début de nuit dans un vent molissant jusqu’à la calmasse. Pour nous c’est le bonheur ! Les conditions sont fabuleuses pour ce dernier tronçon et surtout nous savons que le score sera bon. Dans notre classe, le plus dangereux, Wild rose est maintenant remplacé par le SS34 Azzuro. Plus petit rating de la flotte, il navigue à 60 milles derrière nous mais comme il ne s’est pas arrêté dans les zones de transition, il devient tout à coup très menaçant.
Pour nous, c’est l’arrivée sous des milliers d’applaudissements quand, sitôt franchie la ligne, on nous demande de suivre un Zodiac. On défile alors devant les quais noirs de monde avec des gens debout qui applaudissent à tout rompre ! C’est vraiment un truc de dingue et nous sommes tous assez émus par cet épisode …
Très vite nous savons que nous serons sur le podium de l’overall mais il reste l’incertitude sur le SS34 pour la victoire dans la classe . Pas question d’attendre le petit matin pour le savoir, on va arroser cela au restaurant (Géry est un vrai «seigneur» avec ses équipîers) puis dans les bars de Hobart. Il faut savoir que naviguer avec Géry c’est aussi réussir au mieux la 3eme mi- temps. Comme on ne veut pas décevoir on va faire ce qu’il faut…
En sortant le lendemain du dortoir on reçoit un premier message : «Vous êtes 1er de votre classe et 2eme de l’overall ! »
C’est juste génial…


JP

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