Récit de la Rolex Fastnet Race “d’Alkaid” par Frédéric Augendre

En tête dès le départ à bord d’Alkaid3-Nautistock.com

A dix secondes près, louper la deuxième place du classement général, il y avait probablement de quoi nourrir quelques petits regrets, mais bière en main ils se sont vite effacés.

Car lorsque dans une course de ce calibre on remporte sa classe en se hissant de surcroît sur le podium « overall » il faudrait être fou pour bouder son plaisir. De même qu’il serait probablement vain de chercher où ont bien pu se perdre ces dix malheureuses secondes, en 600 milles et quelques quatre jours de course.
Certainement pas sur la ligne de départ, franchie dans un timing presque trop parfait – avec un vent quasi-nul et le courant poussant aux fesses, mieux valait ne pas se rater. Très vite, nous avons creusé l’écart sur une meute quelque peu engluée, sortant du Solent en tirant des bords au milieu des Imoca pas vraiment à l’aise dans les tous petits airs. Aux Needles, premiers soupirs de satisfaction en comptant les écarts, et découverte d’un rival improbable en la personne de Dorade, plan Stephens vainqueur des Fastnet 1931 et 1933, qui depuis sa restauration revient sur les parcours de ses anciens exploits. 15 tonnes pour 52 pieds, pas franchement les canons habituels des voiliers IRC, mais un yawl remarquablement mené par son équipage américain, qui nous mettra longtemps la pression, et que nous ne réussirons à véritablement distancer que dans la remontée de la mer d’Irlande.
Jusqu’aux Scillys, cela restera du tout petit temps, au point de faire du sur-place à hauteur de Portland Bill, en descendant sur le DST des Casquets – certains mouilleront. Nous surveillons de près nos adversaires les plus sérieux : Dorade, une paire de Sigma 38 (ils sont treize engagés), Foggy Dew, l’autre JPK 1010 de la classe 4. Tous les autres 1010 plus légers et/ou plus toilés qu’Alkaid-Nautistock, sont dotés d’un rating légèrement supérieurs, et ils courent en classe 3, dont la limite inférieure est à 1.004.
Nouveau coup de mou aux Scillys au terme de près de 48 heures de course, c’est l’occasion d’un regroupement, nous voyons revenir Group 5, le Sunfast 3200 de Patrice Carpentier et surtout Foggy Dew qui revient à notre hauteur grâce à son Code 0. Nous gardons un œil sur le classement overall provisoire, où on nous crédite de positions avantageuses, mais le mode de calcul ne nous convainc pas, nous préférons mesurer les écarts sur des bateaux références comme le Night & Day des Loison père et fils, vainqueur de l’édition précédente. Le JPK 1010 britannique Just Plain Krazy a pointé le nez à hauteur du cap Lizard. Mais son option côté Land’s End plutôt que Scillys (comme à chaque passage de DST – dispositif de séparation de trafic – il faut choisir son camp) lui coûtera cher dans le Suroît fraichissant et refusant au fur et à mesure que nous montons vers le rocher du Fastnet.
C’est dans ce long bord (150 milles) de reaching serré que nous avons définitivement distancé nos rivaux, en lofant au-dessus de la route pour anticiper le refus, et en nous battant pour tenir l’A5 – asymétrique de brise hissé au capelage – dans une ambiance mouvementée et humide. A bord ça continue de tourner comme sur des roulettes, la polyvalence est maîtresse, tout le monde barre, les manœuvres s’enchainent rondement et nous sommes plusieurs à nous partager la plage avant, c’est sans doute l’héritage des courses en double où il faut savoir tout faire et être partout.
Au Fastnet enroulé sous un ciel gris dans 20 nœuds de vent le bateau est impressionnant, progressant à plus de sept nœuds au près à peine ouvert, dans une mer pourtant formée. Et ça repart dans l’autre sens, cette fois-ci sous grand spi. L’organisation confirme notre place de leader en IRC4 et notre classement overall commence de remonter.
L’erreur, au terme de la descente, sera peut-être de ne pas avoir contourné le DST des Scilly par l’Est, à la différence de quelques malins dont Courrier du Leon, futur vainqueur toutes classes. Sous grand spi à Bishop Rock, nous sommes talonnés par Night and Day, et les Loison ne nous lâcheront plus jusqu’à Plymouth. Bataille sans véritable enjeu compte tenu de l’écart de rating, mais rien de tel qu’un coude à coude pour garder un rythme soutenu jusqu’à l’arrivée : jusque dans les dernières heures ce Fastnet se sera couru tambour battant. Au bout d’un peu plus de quatre jours de course, le coup de canon fait d’autant plus chaud au cœur que cette victoire suit une deuxième place au Spi Ouest France, une victoire overall à l’Armen Race et un succès en double à Pornic-Gijon-Pornic.

L’équipage d’Alkaid-Nautistock.com était composé de : Gérard Quenot, propriétaire et skipper ; Luc Fourichon, vainqueur avec lui de la Transquadra 2011-2012 ; deux des fils de Gérard, Florian et Aurélien ; Céline Léon ; Frédéric Augendre.

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